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L'Hotel

Les phares des voitures projettent des ombres fantomatiques sur les murs de la chambre, images mouvantes d’âmes déchirées qui tentent de rallier les vivants à leur lourde agonie. Le temps d’un soupir, le mobilier en redevient visible, pour se fondre en un éclair dans la noirceur d’une nuit sans lune.

 

Havre de paix, mais prison à l’amertume doucereuse, le Marcheur se sent à la fois chez lui, et étranger à ce lieu sans âme. Il sait que la solution n’est pas dans la fuite, qu’il ne pourra éternellement se tenir dissimulé au regard de la Bête. Mais qu’importe, ce soir la nuit est si sombre, si douce.

 

« - Dans ce monde de folie, n’est-ce pas en prison que nous sommes le plus libre ? Qui a pu un jour goûter à la saveur de ce sentiment d’immensité sauf à en avoir été un jour privé ? »

 

Et tandis que l’obscurité reprend ses droits, le Marcheur pense à l’instant. Le Maintenant. Ce moment qui prendra fin dès qu’il partira. Comment peut-il être certain que partir soit écrit dans sa ligne de vie ? Y aura-t-il seulement la moindre différence ?

 

Nul ne le sait, ni ne le saura jamais. Nous courons chaque jour vers un but que nous croyons faire partie de notre destinée, sans même savoir si le chemin que nous prenons ne conduira pas nos pas plus promptement vers la fin. Chaque jour, le Marcheur se lève, et chaque jour le spectacle est le même, triste et froid. Mais chaque soir lui apparaît alors comme une victoire. Chaque soir, il retourne dans sa prison de verre et de béton, persuadé d’avoir avancé dans la bonne direction.

 

Déchiré entre ces deux latitudes d’immobilité et de mouvance, le Marcheur s’endors. Demain sera peut-être différent. Demain peut-être des chemins nouveaux s’offriront à ses pas, d’autres s’effaceront comme s’ils n’avaient jamais eu réellement d’existence.

 

Mais une chose ne changera jamais. Aujourd’hui, demain, dans mille ans, les phares projetteront toujours leurs ombres fantomatiques sur les murs, tandis que le monde endormi n’accorde pas d’importance à l’agonie de ces âmes déchirées…

 

Ecrit par Yamael, le Samedi 15 Novembre 2003, 18:38 dans la rubrique "La Quête".