Hier, je me suis joliment interrogé sur la notion d'amour, preuve irréfutable s'il en est une que certaines personnes commencent à déteindre sur moi (private joke).

J'ai été surpris par le fait que, en dépit d'une idée que je me faisais selon laquelle je me serais assez longuement interrogé sur l'Amour pour en avoir une idée claire de la nature, je n'en avais effleuré que la partie émergée, passant bien en deçà de toutes les questions que ce sentiment peut amener à se poser.

Je me doute, tandis que j'écris ces lignes, que la vision que je vais donner des résultats de mes interrogations est fortement subjective, et que peut-être certains crieront au loup devant les idées qui en découleront, mais bon... Un joueb, c'est quelque chose de personnel de toutes façons non?

D'abord, qu'est ce qui peut amener à se dire "je suis amoureux"? Où est située cette frontière infime entre l'Ami et l'Amour? Qu'est ce qui, un matin, vous fait vous réveiller, penser à une personne, et vous dire "je l'aime d'Amour", l'arrachant ainsi de la petite case "Amitié" pour la ranger dans le tiroir "Amour"?
Je suis convaincu (ou je veux être convaincu) que cette frontière ne peut pas se symboliser aussi infantilement que je ne l'ai fait. Quelque part, reconnaître que les sentiments humains peuvent se modéliser par un simple tri qui pourrait être effectué par la trieuse de la Poste me rend malade (me débecte, dirait une personne que j'adore - re-private joke).
Mais alors, si l'on accepte implicitement de prendre cette hypothèse pour valide, pourquoi ressent-on des choses si différentes pour un Ami et un Amour?
A la réflexion... pas si différentes finalement. Tout se qui semble différencier l'amitié de l'amour, dans la société actuelle, c'est un code de conventions qui nous est transmis par nos semblables afin de nous faire entrer dans un moule pour lequel nous étions - ou non - prédestinés. Un jour, un petit garçon embrasse un de ses copains sur la bouche, et là sa maman débarque toute excitée et horrifiée et le réprimande sévèrement (du moins autant qu'on peut l'être avec un enfant).

Pourquoi la maman fait-elle cela? Quel impact physique a eu ce baiser sur la vie des deux enfants? D'un point de vue purement expérimental, dans lequel on se placerait dans une sorte de "monde limité" où seuls les deux enfants seraient présents, aucun. Enfin si. Il a eu un impact émotionnel positif, double impact je dirais. D'abord, les enfants ont appris à exprimer et concrétiser une pulsion qui n'existait auparavant qu'à l'idée de sensation confuse dans leur petite tête blonde. Ensuite, ils ont fait l'expérience d'une transmission d'émotion, et de l'accomplissement d'un acte en l'absence de toute connaissance de la façon dont ce geste serait interprété par leur partenaire (vous noterez que je n'ai volontairement pas donné d'âge aux protagonistes).

Mais du point de vue de la mère, les impacts sont immensément plus importants. Pourquoi? Parce qu'elle a une vue d'ensemble du monde. Elle sait la façon dont les "autres" réagissent, et les dangers sociaux que pourraient comporter la conduite de son enfant. Même si parfois ces dangers n'existent que dans sa tête, on lui a enseigné dès son plus jeune âge le code de conduite du "parfait petit être humain", que ce soit d'un point de vue parental, scolaire, ou religieux.

Et là, on touche au fond du problème. Car durant toute notre vie, nous nous interrogeons sur la nature fondamentale du sentiment amoureux, alors que dès notre plus jeune âge le champ des possibilités offert par ce sentiment est volontairement ou involontairement bridé par les gens qui nous entourent.

Héhé, je souris à l'idée du visage de certaines personnes qui liront ces lignes... Oui, je suis résolument subjectif, et je sais pertinemment que les idées que j'avance sont à la fois choquantes et totalement en décalage avec la façon dont tourne le monde à notre époque. Mais je reste convaincu que ce n'est pas en regardant éternellement en arrière et en reproduisant tacitement ce qui nous a été enseigné... non ce qui nous a été imposé par nos aînés que le monde évoluera. Si personne ne frappe dans la ruche, la route que nous suivons tous plus ou moins ne verra jamais de chemins de traverse... Alors j'ai décidé de l'ouvrir pour une fois, comme le font beaucoup de jouebeurs et jouebeuses ;o) Même si je reconnais que le monde a beaucoup progressé sur certains points, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.

Mais reprenons notre analyse (qui n'en est pas une de part sa subjectivité, on ne le répètera jamais assez).

L'enfant apprend donc très jeune qu'il y a des choses "que-tu-as-le-droit-Nicolas-de-ressentir-pour-les-filles" et d'autres "que-tu-as-le-droit-Nicolas-de-ressentir-pour-les-garçons". Le petit Nicolas (lol, riez pas) démarre donc dans sa vie d'adolescent avec une large gamme de possibilités, mais entre deux barrières de sécurité destinées à, ironie du langage, le protéger. Certains ont le courage de passer outre ces barrières, mais notre petit Nicolas est un enfant bien sage qui suit ce que dit sa maman.

A la pré-adolescence, Nicolas découvre que les filles et les garçons, auparavant si semblables, ont des caractéristiques physiques différentes, même si émotionnellement parlant, ils ne sont pas encore très différents l'un de l'autre. Nicolas, dans son fameux CPR (champ de possibilités restreint), se fait donc des amis des deux sexes, mais en gardant toujours à l'esprit qu'il ne doit pas montrer ce qu'il ressent de la même façon aux filles et aux garçons.

Et puis Nicolas évolue. Il grandit, et au fur et à mesure prend de plus en plus d'indépendance vis à vis des personnes qui lui avaient inculqué les sacro-saints concepts de l'amour politiquement correct. Il tente, en poussant à bout de bras, de repousser les barrières du CPR afin de se donner plus de marge de manœuvre pour découvrir des territoires inexplorés qui l'attirent rien que par le fait qu'ils lui aient été cachés auparavant.

Faisons encore grandir un peu notre Nicolas. Pour peut qu'il ne soit pas si indépendant que ça, après avoir plus ou moins goûté à l'expérience de la nouveauté, son éducation a repris le dessus et il tombe éperdument amoureux d'une jeune femme. Nicolas travaille, il sort, il cottoie chaque jour la société qui l'entoure. Mais il se demande pourquoi les regards des gens sont si étranges, quand il marche aux côté de la jeune femme qu'il aime… Pourquoi? Parce que Nicolas va bientôt apprendre une autre loi de la société bien pensante actuelle. Mon pauvre Nicolas, tu vas tomber de haut quand tu vas t'apercevoir que quand deux personnes très différentes sur le plan physique sortent ensemble, certains s'en sentent profondément offusqué. Pourquoi? Sont-ils des méchants? Non. Ils reproduisent juste ce qu'ils ont appris.

D'où la seconde loi fondamentale de l'amour bien pensé: Nicolas, tu doit sortir avec des gens qui te ressemblent. Pourquoi? Ne pose pas de questions qui n'ont pas lieu d'être. Ecoute ta mère qui t'aime et qui ne veut que ton bien.

Alors Nicolas laisse dans une souffrance qu'il ne comprend pas la belle s'en aller. Car Nicolas était placé devant un choix cornélien: perdre sa dulcinée ou perdre la reconnaissance et l'admiration de sa famille. Quand ce n'est pas plus d'ailleurs.

Et hop, on rapproche encore les barrières un petit peu, on arrive au CPRR (champ de possibilités résolument réduit).

Mais c'est pas fini pour Nicolas, ça serait trop beau. Nicolas, il n'a pas de chance, alors à peine remis de son précédent échec (qui bien sûr le fait culpabiliser à mort "ça n'est pas bien Nicolas tu ne choisis pas tes partenaires comme Maman t'as dit"), il trouve le réconfort dans les bras d'une femme beaucoup plus âgée que lui. Elle le fait vibrer, ça ne s'explique pas. C'est comme ça.

Et là, Maman revient au galop, avec son fameux petit guide du bien penser: "Mais tu ne te rend pas compte Nicolas, les hommes et les femmes d'âge différent, ils ne sont pas pareils, ils ne pensent pas pareils, ne sont pas amoureux pareil, il ne vivent pas pareils! Et tu t'imagines quand elle quittera ce monde et que tu te retrouveras tout seul?"

Krraaaakkkk! Ca c'est le bruit des os du petit Nicolas quand les barrières du politiquement correct se resserrent encore. Qu'est ce qu'il lui reste? Le CPUE (champ de possibilités à un élément). Mais le CPUE, Nicolas il n'en veut pas. Il en a marre. Marre de se faire constamment diriger par des gens qui n'en ont pas le droit. Marre de devoir supporter sans cesse le regard de personnes aveugles qui ne savent pas qu'elles le sont. Marre de toujours devoir rendre des comptes et justifier de ses choix de vie uniquement pour ne pas blesser la société bien pensante.

Alors Nicolas se barre. Il quitte tout ça, parce qu'il a réfléchi, et qu'il s'est rendu compte de ce qu'il aurait pu être si seulement on lui avait laissé le CPE (champ de possibilités étendu) dont il disposait à la naissance.

A la relecture, je me rend compte que ce qui devait n'être au début qu'une simple réflexion sur l'amour a laissé filtrer des sentiments personnels qui ne sont pas forcément des plus faciles à révéler. Mais je ne peux pas terminer cet article comme ça, parce que je veux réduire votre champ de possibilités en matière de questions lol.

Non, je ne suis pas un enfant martyr. J'ai été élevé par des parents qui, même s'ils n'étaient pas les plus ouverts du monde, même s'ils avaient des défauts qu'ils m'ont bien montré durant la période de ma vie où je me construisais, étaient des gens formidables. Et le sont encore. Ainsi, je vous demande de ne pas commettre l'erreur de prendre la Maman de Nicolas pour la Maman de Yamael. Vous commettriez une erreur de jugement regrettable. Mes plus sincères excuses si cela était évident à vos yeux.

Pour finir, je voudrais dire à tous les gens qui ont le courage, un jour, de s'opposer à cette société bien pensante que je décris et décrie, que je les admire. De tout mon cœur. C'est grâce à eux que parfois l'Homme fait un petit pas de plus vers la tolérance et le respect, et que le monde devient meilleur pour des milliers de gens.

Enfin , je voudrais dire à tout mes ami(e)s, que si je ne me sentais pas dans la position du petit Nicolas, la première chose que je ferai en les voyant c'est de les serrer contre moi et de leur hurler mon amour / amitié (c'est pas si différent Nicolas non c'est pas si différent) jusqu'à ne plus avoir de voix.

Merci à toutes et tous d'avoir lu ce – trop? – long article.